Pur produit du CEPROC où il obtient un CAP, une mention complémentaire employé traiteur et un brevet professionnel entre 1988 et 1993, Franck Grima a rejoint, cette année, l’école en qualité de formateur de charcuterie-traiteur. Des retrouvailles poignantes qui couronnent le parcours d’un professionnel doté d’une expérience culinaire diversifiée : outre la fréquentation de charcuteries franciliennes de renom, Franck Grima a officié plusieurs années dans la restauration traditionnelle en tant que chef et chef d’entreprise.
Pouvez-vous retracer votre cursus au CERPOC ?
J’ai intégré le CEPROC en 1988 sur les recommandations de mon maître d’apprentissage Jean-Claude Hubert, chef d’entreprise à Aulnay Sous-Bois. Tenté par la cuisine au départ, il m’a fallu un temps d’adaptation avant de découvrir toute l’ampleur de la charcuterie. J’ai le souvenir d’avoir fait preuve d’une certaine incompréhension lorsque nous abordions certains cours comme le triage des viandes. Mais très vite, j’ai fini par comprendre la logique des choses et prendre plaisir au contact de professeurs passionnants. Je me souviens des cours de pratique très toniques de mon professeur de CAP Monsieur Bourgeois. Son sens aigu de la rigueur était tempéré par une infinie mansuétude, qui faisait toute sa singularité. Il lui arrivait de faire un bout de chemin avec moi jusqu’à la bouche du métro. Il aimait, durant ces petites parenthèses du quotidien, délivrer à ses élèves des conseils sur le métier. J’ai également côtoyé le professeur Jean-Pierre Massard, une véritable encyclopédie de la cuisine ! A l’époque la charcuterie n’était pas aussi sophistiquée qu’aujourd’hui. Nous travaillions sur des demi-porcs et privilégions la fabrication de produits entiers. Les verrines et autres bouchées cocktail étaient rares. Voilà ce qui m’a conduit à faire, tour à tour, une mention complémentaire en traiteur et un BP charcutier-traiteur. Je voulais pousser ma connaissance du métier et explorer toutes ses déclinaisons gastronomiques. Je tiens à saluer la maison Briard à Aulnay Sous-Bois et la maison Papin à Paris qui m’ont permis d’avancer dans ce sens.
Quelles portes vous a ouvertes le CEPROC à l’issue de votre formation ?
Appelé à effectuer mes obligations militaires dans les trois mois qui ont suivi la fin de mon cursus, je me suis employé à étoffer et diversifier mon savoir-faire. J’ai ainsi évolué dans des maisons très différentes et privilégié des contrats de courte durée avant de rejoindre l’armée. J’ai eu la chance d’être affecté à l’Ecole miliaire à Paris où je me suis vu confier des prestations traiteur organisées en interne. J’ai également été sollicité pour des missions en cuisine. Autant d’expériences qui m’ont permis d’explorer d’autres aspects du métier.
Après le service militaire, je décide de faire des extras en charcuterie par le biais d’une agence d’intérim. Je travaille six mois durant au sein de la maison Jaouene à Paris où je revois des grands classiques de notre métier. C’est l’occasion de consolider et d’approfondir les compétences acquises. Un jour, l’agence me place par erreur dans un restaurant. Je me vois confier le « chaud ». Je me jette à l’eau malgré des appréhensions. Fort heureusement, je donne satisfaction à l’employeur, lequel n’hésite pas à me proposer d’autres missions en restauration. Depuis lors, ma carrière prendra une nouvelle tournure. De restaurant en restaurant, je monte en compétence et finis par devenir chef dans des brasseries et des « traditionnels » où j’exerce, sans discontinuer, entre 2000 et 2011.
En 2011, vous créez votre propre restaurant. Que retenez-vous de cette expérience ?
Fort de mon expérience acquise dans différentes maisons, j’ai acquis la ferme conviction que j’étais prêt à franchir le pas de l’entrepreneuriat. Je crée un restaurant à la Garenne-Colombes. Un « traditionnel à l’ardoise » au sein duquel la charcuterie occupe une place centrale. Je fais l’acquisition d’un poussoir afin de fabriquer des produits « maison » tels que des saucisses, des boudins noirs et des andouillettes… Mes clients étaient friands de cette charcuterie traditionnelle déclinée sous forme de plats cuisinés. Le restaurant a bien fonctionné. J’ai pris beaucoup de plaisir à le développer. Au bout de quatre années très intenses, j’ai fini par éprouver le besoin de changer d’horizon professionnel.
Vous finissez par vous orienter vers la formation avant de rejoindre le CEPROC. Pourquoi ce choix ?
Après un stage HACCP dans le cadre de mes fonctions, je décide d’effectuer une formation de formateur afin de pouvoir enseigner. A l’obtention du diplôme en 2019, j’intègre un centre de formation à Paris pour enseigner les sciences de l’alimentation et l’hygiène. C’est très plaisant de transmettre des connaissances que l’on a acquises au fil d’une longue expérience professionnelle. Me sentant toujours lié au CEPROC, je me résous à envoyer une candidature. Par un heureux concours de circonstances, l’école donne suite à mon courrier un mois plus tard et finit par m’embaucher en qualité de formateur de pratique en charcuterie-traiteur.
Comment vivez-vous ces retrouvailles avec le CEPROC ?
Lorsque l’on a quitté une école qui a compté dans sa vie, on entretient toujours le fantasme de la retrouver un jour et de revoir des personnes que l’on appréciées, formateurs ou membres de l’équipe encadrante. Je suis ému de renouer avec le CEPROC trente ans plus tard en qualité non plus d’apprenti mais de formateur.
Quels aspects vous motivent le plus dans vos missions de formateur ?
Ma priorité est de transmettre le goût et la passion de la charcuterie. Le corollaire de tout cela étant de conduire l’apprenti à l’obtention de son diplôme et lui fournir les conditions optimales de son employabilité. Pour ce faire, je privilégie une approche pédagogique tournée vers l’individualisation. Il s’agit de travailler, très tôt, à l’enrayement des freins à l’apprentissage, très souvent générateurs de stress. Certains apprentis se sentiront plus compétents que d’autres dans la maîtrise de certaines techniques parce qu’ils les auront d’avantage travaillées en entreprise. Des stagiaires adultes éprouveront volontiers un déficit de légitimité parce qu’ils sont issus d’autres métiers. Ma mission est de corriger, techniquement et psychologiquement, toutes ces distorsions pour tendre vers une dynamique de groupe. Tout cela suppose une pédagogie à même de récompenser le sens de l’effort car les apprenants sont toujours en attente de reconnaissance. Il faut savoir les encourager autant que faire se peut.
Quel regard portez-vous sur l’évolution de la charcuterie eu égard à votre détour par la cuisine ?
Le métier connaît une modernisation sans précédent. Il est important de poursuivre cette dynamique vers des produits plus « portionnés » et plus esthétiques en se nourrissant d’autres influences culinaires. J’aime l’idée de pouvoir intégrer plus de légumes et de fruits dans nos produits traditionnels. Outre procurer de la fraicheur, cela permet de tendre vers une charcuterie plus saisonnière. Or cela est primordial au regard du contexte environnemental actuel. On peut imaginer une multitude de recettes savoureuses. On peut par exemple réaliser un boudin noir sous forme de tatin… Les possibilités sont infinies dès lors que l’on maîtrise ses techniques de base.